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Autres dossiers

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Prise de son
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Enregistrer un piano en proximité extrême

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     Plus d'une fois lors de séances d'enregistrement des compositeurs m'ont demandé de mettre les microphones plus près et encore plus près des cordes du piano. Plus près pour récupérer de la précision, de l'attaque ou du grain, mais mettre les microphones en grande proximité n'est pas sans conséquences :

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  • perte d'homogénéité sur la tessiture (proximité variable entre les microphones et les différentes cordes, provoquant des problèmes de phase, de directivité, de délai et de niveau)

  • hausse relative des bruits de la mécanique et particulièrement de la pédale

  • un son de grande proximité sur les attaques des notes oblige à avoir toujours la même proximité sur les queues de notes et inversement

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     Si dans certains contextes particuliers ces points ne sont pas gênants voir même intéressants, ils sont la plupart du temps rédhibitoires et obligent à sacrifier certaines attentes du compositeur ou du producteur.

 

     Je vous propose ici une solution qui permet de régler ces problèmes et d'aller encore plus loin vers la proximité.

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L'homogénéité

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     Plus nous souhaitons nous rapprocher des cordes et plus il faudra ajouter des microphones pour que chaque zone du clavier soit couverte de la même façon.

 

     Pour prendre deux extrêmes, si nous sommes loin du piano, un seul microphone suffit, ou partons plutôt sur une paire afin de faire une prise stéréophonique qui offrira une largeur spatiale ajustable si ce n'est plus intéressante. Pour obtenir une impression de grande proximité, nous allons devoir :

  • entrer dans le piano et nous approcher des cordes

  • utiliser des microphones à directivité cardioïde

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     À une distance intermédiaire, une paire de microphones peut suffire à couvrir l'intégralité du piano. Mais sur une très grande proximité la corde placée face au microphone sera à chaque fois particulièrement mise en valeur : plus nous nous rapprocherons, plus nous aurons besoin de microphones supplémentaires.

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     Ajouter de plus en plus de microphones impliquera de nombreux problèmes :

  • nécessité d'un parc de microphones imposant avec microphones similaires pour l'homogénéité

  • le son de chaque corde entrera bien sûr dans le microphone qui vise la zone concernée, mais ira aussi dans une moindre mesure dans les microphones des zones voisines. Ce qui créera d'importants problèmes de phases. Si cette phase est intéressante dans le cadre d'une prise stéréophonique pour donner de la largeur, elle sera ici par la multiplication des microphones à l'origine de filtrage en peigne qui vont abîmer le signal notamment en atténuant des harmoniques, en créant des inégalités dans le spectre et en détériorant les attaques.

  • avec la perte du grain et de la précision des harmoniques, la détérioration des attaques, nous sommes à l'opposé de ce que nous cherchions en faisant une prise de grande proximité.

  • avec tous ces problèmes, cette prise sera extrêmement complexe à mixer.

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     Pour faire face, l'échantillonnage m'a semblé être la meilleure solution. En enregistrant le piano note par note, nous nous concentrons sur chaque zone une par une. Un seul kit de microphones suffit donc, ce qui fait disparaître les contraintes matérielles mais surtout minimise grandement les problèmes de phase.

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     Il devient possible de multiplier le nombre de zones, et dans le cas du piano, 88 zones seront parfaites pour les 88 notes : nous aurons donc à déplacer le microphone pour chaque note enregistrée, ce qui nous permet tous les niveaux de proximité, y compris celui d'être presque collé à la corde.

     J'ai choisi une installation composée de 4 microphones qui produiront des sons très complémentaires :

 - une paire d'omnidirectionnels à moyenne membrane en ambiance (Sennheiser MKH 8020)

 - un dynamique hypercardioïde à la verticale de la corde frappée au niveau du marteau (Beyerdynamic M88 TG)

 - un statique pur cardioïde à large membrane à la verticale de la corde frappée en bout de corde du côté de la queue (Neumann TLM 103)

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     En suivant notre raisonnement et en déplaçant les deux microphones situés en proximité pour chaque note jouée, nous obtenons pour Very Close Piano un enregistrement inédit qui offre de nombreux avantages :

     - la possibilité d'avoir une extrême proximité

     - profiter de cette proximité de façon homogène sur l'ensemble des notes

     - pouvoir choisir un équilibre entre deux types de sons d'extrême proximité très différents en plus de l'ambiance

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En début de séance sur les notes graves

Piano Bösendorfer - Studio La Majeur - Paris

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En fin de séance sur les notes aiguës

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Les bruits de mécanique

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     Le deuxième problème concerne les bruits de la mécanique et particulièrement de la pédale.

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     Étant donné que nous enregistrons chaque note séparément en la laissant se relâcher jusqu'au silence audible, l'utilisation de la pédale est inutile. Ainsi avec un instrument virtuel, le problème des sons de mécanique indésirables ne se pose plus.

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     Pour le placement des microphones, les bruits de la mécanique de la touche et du marteau ne sont pas négligeables en extrême proximité. Au fil d'expériences, nous avons pu mesurer que le rapport son de cordes sur son de mécanique devenait tout à fait acceptable entre 12 et 15 centimètres de distance au-dessus du marteau : pour Very Close Piano, nous avons donc choisi de mettre un microphone dans cette zone à une distance de 14 centimètres de la corde pour être au plus près sans être gêné par la mécanique.

 

     À l'autre extrémité de la corde, dans la queue, les bruits de la mécanique de la touche et du marteau sont tout à fait négligeables : il est donc possible de s'approcher beaucoup plus de la corde. Nous avons décidé de placer un autre microphone dans cette zone, avec sa capsule à moins de 3 centimètres de la corde.

 

     Bien sûr, parce que nous avons conscience que vous ne souhaitez pas forcément être collé en permanence aux cordes du piano, Very Close Piano propose aussi une prise stéréophonique d'ambiance qui vous permettra de doser le rapport de proximité.

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L'évolution du son

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     Enfin, le troisième problème concernait l'évolution du son note par note. Si vous voulez beaucoup de proximité et de précision sur vos attaques, mais des queues de notes plus douces, larges, et aérées, c'est tout simplement impossible à réaliser dans des conditions classiques d'enregistrement et de mixage.

 

     Au moment du mixage, vous avez votre piste avec le ou les microphones de proximité et votre piste avec les microphones d'ambiance. Tant que vous n'avez qu'une seule note, vous pouvez réaliser une automation pour passer de l'une à l'autre. Dès que vous avez une suite de plusieurs notes, ce procédé devient impossible.

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     Vous seriez alors obligé d'enregistrer chaque note une par une (en perdant au passage le phrasé musical) et de réaliser cette automation pour chaque note (ce qui serait un travail titanesque).

 

     Avec un instrument déjà échantillonné, j'ai eu une idée permettant de réaliser cette opération de façon automatique et transparente pour l'utilisateur : j'ai créé le module X-Fade dans Very Close Piano qui permet pour chaque note jouée de passer d'une ou plusieurs positions de microphones à une ou plusieurs autres en ayant uniquement à choisir le moment où doit commencer cette transition et combien de temps elle doit durer.

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Remerciements à Jérôme LEMONNIER et Antoine PRADALET

Enregistrement réalisé sur un piano Bösendorfer au Studio La Majeur

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